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Mes contes de fées

Coeur de princesse, deuxième partie

Publié le 23 Avril 2016 par BengiBerte in transidentité, féminisme, Leelah Alcorn, un de mes contes, princesses, genre, rôles genrés, quête de soi

dessin de Leelah Alcorn
dessin de Leelah Alcorn

Le lendemain, Flora marcha toute la matinée et arriva aux abords de la forêt du cauchemar. Elle s’assit un moment pour reprendre des forces et un oiseau moqueur se percha près d’elle.

- Que viens-tu faire ici, petit garçon ? demanda l’oiseau.

- Je suis une fille, répondit la princesse. Je m’appelle Flora et j’ai quelque chose à demander à la magicienne.

- Si tu es une fille, tu n’arriveras pas à traverser la forêt ! se moqua l’oiseau. Il faut être courageux comme un garçon pour y arriver !

- Tout le monde peut être courageux, fille ou garçon ! rétorqua Flora. Maintenant, laisse-moi tranquille !

Sur ce, la princesse s’engagea dans la forêt. Il faisait sombre comme en pleine nuit et des bruits étranges résonnaient un peu partout. Une ombre blanche vola tout près de Flora et elle sursauta de peur.

Il faut que j’y arrive, pensait-elle très fort. Je dois traverser cette forêt, il le faut…

Des cris résonnèrent quelque part et Flora eut vraiment très peur. On aurait dit que quelqu’un avait mal ! Mais son cœur était bon et elle se précipita en pensant que la personne qui criait avait besoin d’aide.

Elle s’attendait à trouver un voyageur mais à la place, elle vit un renard blanc dont la patte était prise dans un piège.

- Oh, pauvre créature ! dit-elle. Attend, je vais te sortir de là ! Veux-tu que je te mette un pansement ?

Et Flora ouvrit le piège et dégagea la patte du renard, puis déchira un morceau de son jupon pour bander sa patte de l’animal. C’était bien sûr dommage d’abîmer une aussi jolie robe mais elle le fit de bon cœur. Ensuite, le renard blanc se redressa et tourna joyeusement sur ses pattes.

- Merci ! s’écria-t-il. Tu es quelqu’un de gentil ! Que puis-je faire pour te remercier ?

- Oh, je n’ai pas fait cela pour avoir une récompense ! protesta Flora.

- Mais cela me gêne de ne rien te donner en échange ! Tiens, je pourrais te servir de guide, qu’en penses-tu ?

- Avec joie ! répondit Flora. Je cherche la magicienne !

- Alors suis-moi !

Et le renard s’engagea sur un chemin étroit. Flora le suivit en toute hâte. Ils marchèrent longtemps, puis finirent par sortir de la forêt et se trouvèrent devant un large fleuve noir.

- La magicienne se trouve de l’autre côté, dans la petite maison rouge ! s’écria le renard.

- Merci, mon ami ! répondit joyeusement Flora.

Sur ce, Flora s’approcha du fleuve. Il était large, bien trop large pour qu’elle puisse passer par-dessus, et il n’y avait aucun pont en vue. Elle pouvait voir la petite maison rouge de l’autre côté, c’était vrai, mais comment l’atteindre ?

Je pourrais y aller à la nage, pensa-t-elle. C’est facile : mes parents nous ont appris à nager, à moi et à mon frère, quand nous étions enfants. Ils ne l’ont pas appris à nos sœurs parce qu’ils disaient qu’il ne convient pas aux filles de jouer dans l’eau. Seulement, je n’ai pas envie de me déshabiller : n’importe qui pourrait passer et me voir ! Et puis, c’est tellement injuste : je peux traverser ce fleuve parce que je sais nager mais que vont faire les gens qui ont autant besoin que moi de voir la magicienne et qui, eux, ne savent pas nager ? C’est bête : fille ou garçon, tout le monde devrait vouloir être fort-e et courageux/se, bon-ne et généreux/se.

Pensive, Flora marcha un long moment et trouva une cabane abandonnée. Elle arracha quelques planches et bricola un pont de fortune qu’elle installa au-dessus du fleuve. Ensuite, elle le traversa et se retrouva de l’autre côté.

Elle courut jusqu’à la petite maison rouge et frappa à la porte. Une petite voix lui dit d’entrer. La magicienne se tenait assise sur une chaise, toute petite et toute ridée. Elle lui fit signe d’avancer avec un grand sourire.

- Bonjour Madame, dit Flora en faisant la révérence.

- Bonjour mon enfant, répondit la magicienne. Tu dois avoir faim. Veux-tu du thé ?

- Avec plaisir, répondit Flora, mais j’ai surtout une demande à vous faire. Depuis la naissance, tout le monde me dit que je suis un garçon mais je sais que je suis une fille. J’ai le cœur d’une fille et je veux vivre comme une fille, aimer et être aimée comme une fille et être acceptée comme ce que je suis. J’aimerais que tout le monde comprenne en me voyant que je suis une fille.

- Oh, mon enfant ! répondit la magicienne. Comme ta vie a dû être difficile ! Je puis te donner ce que tu veux mais ce ne sera pas facile.

- J’ai de l’or pour vous ! s’écria Flora.

- Je ne veux pas d’or, répondit la magicienne.

- Une jolie robe, alors ? proposa la princesse.

- Oh non, je ne veux pas de jolie robe.

- Je peux travailler pour vous, laver votre vaisselle et réparer votre toit ! s’écria Flora.

- Oh non, mon enfant. Il te faut donner de ton cœur.

Flora resta stupéfaite.

- Mon cœur ! répéta-t-elle. Mon cœur de fille, mon cœur de princesse ? Oh non, je ne peux pas vous le donner, j’en ai besoin !

- Tu m’as mal comprise ! dit la vieille en souriant. Si je te donne ce que tu veux, il faudra que tu promettes d’aider les enfants qui sont comme toi, tristes et rejetés.

- Je le promets ! s’écria Flora.

Alors la magicienne prononça quelques paroles magiques et une grande lumière apparut. Quand elle se fut dissipée, Flora vit son reflet dans un miroir et poussa un cri de joie. Elle était enfin la princesse qu’elle avait toujours été.

Flora embrassa la magicienne et sortit, folle de joie. Elle alla s’installer dans une ville voisine et fit construire une grande maison qui accueillait tous les enfants qui avaient un cœur de fille ou un cœur de garçon. Pendant toute sa vie, elle apporta son aide et son amour à ces enfants et apprit aux gens que l’important, c’est ce qu’on a dans le cœur. Flora était maintenant très heureuse et elle fit le bonheur de ces enfants pareils à elle pendant toute sa vie.

La fin !

Note de l’auteure : ce conte de fées est un hommage à Leelah Alcorn, une jeune fille transgenre dont l’histoire a ému le monde entier. Leelah était une artiste, une féministe, une sœur, une amie. C’est elle qui a fait les magnifiques dessins qui illustrent ce conte. Elle est morte parce que ses parents n’ont pas accepté qu’elle était ce qu’elle était. Qu’elle repose en paix.

This fairy tale is a tribute to Leelah Alcorn, a transgender girl whose story moved the entire world. Leelah was an artist, a feminist, a sister, a friend. She made the beautiful drawings up there and she died because her parents didn’t want to accept that she was what she was. Rest in power.

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